Maladies du peuple en 1750

CAUSES LES PLUS FRÉQUENTES DES MALADIES DU PEUPLE

Docteur Simon André TISSOTLe médecin suisse Simon-André TISSOT (1728-1797), au début de son ouvrage médical, intitulé « Avis au peuple sur sa santé« , décrit les causes les plus fréquentes des maladies du peuple, et donne les moyens d’éviter, ou au moins de diminuer l’action de ces causes de maladies :

 » La première cause des maladies qui attaquent le plus souvent le Peuple des Campagnes et celui des Villes est le travail fatiguant continué trop long-tems. Ses effets sont premièrement et le plus souvent les maladies inflammatoires, comme Esquinancie, Pleurésie, Fluxion de poitrine, etc. Secondement, mais beaucoup plus rarement, l’épuisement ou un état de langueur, dans lesquels on tombe tout d’un coup, et dont on guérit difficilement. Il y a deux moyens de prévenir ces maladies; l’un est, d’éviter la cause qui les produit, mais souvent cela est impossible; l’autre, c’est, lorsqu’on est obligé à ces excés, de diminuer leurs effets par un grand usage de quelque boisson rafraichissante, et surtout par du petit lait, ou du lait de beure (de la batue) ou par de l’eau, dans chaque pinte de laquelle on met un verre de vinaigre, ou de jus de raisins, de groseilles, de cerises qui ne sont pas encore mûrs; cette boisson salutaire et agréable rafraichit, et elle soutient les forces; Si on n’a pas pris ces précautions, ou qu’elles n’ayent point été suffisante pour empêcher l’effet des excès, il en résulte  très fréquemment ou des maladies inflammatoires ou l’épuisement. Je traiterai plus loin de ces maladies.

Une seconde cause très ordinaire de maladie, c’est de se reposer dans un endroit froid ayant extrémement chaud, ou de se coucher sur la terre humide; et même sur celle qui parait sèche, mais dont il s’élève continuellement une humidité froide; la transpiration s’arrête tout-à-coup; et cette humeur, se rejetant sur quelque partie intérieure, occasionne plusieurs maladies très violentes, surtout des esquinancies, des rhumatismes, des inflammations de poitrine, des pleurésies et des coliques inflammatoires. Il arrive aussi que le sang qui, dans de grandes chaleurs et pendant de violens travaux du corps, a été poussé dans de petits vaisseaux, où il ne pénètre que quand la circulation est très accélérée, s’y trouve arrêté par l’effet du froid, et donne lieu à des inflammations dans ces parties. L’on est toujours maitre de prévenir le mal en évitant la cause, qui est une de celles qui tuent le plus de gens  mais quand il est fait, dés qu’on commence à sentir les premiers symptômes de maladie, ce qui n’arrive quelquefois qu’au bout de plusieurs jours, il faut sur le champ se faire saigner, mettre les jambes dans de l’eau médiocrement chaude, se frotter prés du feu avec des linges secs et chauds, et boire abondamment de l’infusion tiède.

Une troisième cause, c’est l’eau froide, qu’on boit quand on a fort chaud : cette cause agit comme la précédente; mais ses suites fâcheuses sont ordinairement plus promptes et plus violentes. J’en ai vu les plus terribles exemples; des esquinancies, des inflammations de poitrine les plus fortes, des coliques, des inflammations du foie, et de toutes les parties contenues dans le ventre, avec un gonflement prodigieux, des vomissemens, des suppressions d’urines et des angoisses inexprimables. Les meilleurs remèdes sont, une ample saignée dés le commencement du mal, une abondance d’eau tiède, à laquelle on joint une cinquième partie de lait, ou la tisane ou les laits d’amandes, le tout bu tiède; des fomentations d’eau tiède, sur la gorge, la poitrine, le ventre; des lavemens d’eau tiéde et d’un peu de lait. Dans ce cas, et dans le précédent, un demi-bain tiède, après la saignée, a quelquefois soulagé très promptement.

Il est bien étonnant, que les Laboureurs se livrent si souvent à cette mauvaise coutume, dont ils connoissent et évitent le danger, même pour leurs bêtes. Il n’y en a point, qui n’empêche ses chevaux de boire quand ils ont chaud, surtout s’ils doivent se reposer : il sait que, s’il les laissait boire, peut-être ils en creveroient; mais il ne craint point de s’exposer au même danger. Ce n’est pas, au reste le seul exemple, dans lequel il paroisse faire plus de cas de la santé de ses bêtes que de la sienne.

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