Votre ancêtre a t-il reçu la médaille de Ste Héléne
Préambule : Loin de se limiter à la simple commémoration et distinction affective des anciens combattants survivants de la République et de l’Empire, la Médaille de Sainte Hélène a été créée par Napoléon III afin de répondre à plusieurs objectifs.
1 : A l’instar des médailles commémoratives anglaises de la Baltique et de Crimée, la médaille française doit être internationale. En effet, la Reine Victoria a décerné aussi bien aux combattants britanniques que français ces deux décorations. Ce faisant, elle se fait connaître, reconnaître par les récipiendaires et Sa Majesté Britannique fait reconnaître son régime aussi.
2 : La médaille française doit être sans exclusive. Les médailles britanniques sont remises sans autres distinctions que celle d’avoir participé aux combats, pour le moins d’avoir fait partie des régiments intégrés au corps expéditionnaires. Quiconque entre dans ces catégories est potentiellement récipiendaire, quelque soit son grade.
3 : La médaille française devra ancré le Second Empire dans la société française, mais aussi dans l’Histoire de France et être l’occasion d’accréditer le nouveau régime auprès des peuples et des chancelleries européens.
A tous points de vue, la Médaille de Sainte Hélène répond parfaitement à ces attentes.
Elle est sans exclusive puisque tous les survivants de l’épopée impériale devront recevoir un exemplaire qu’ils aient été mousse dans la marine ou Maréchal de France et même frère cadet de Napoléon 1er.
Elle est internationale puisque non seulement les Français ont reçus la distinction mais aussi des Belges, des Hollandais, des Italiens, des Suisses, des Allemands, des Danois peut-être des Espagnols (le père de l’Impératrice Eugénie n’a-t-il pas servit la France ?).
Elle tend à insérer le régime impérial dans l’Histoire de France en ce sens qu’en rendant hommage aux anciens combattants défenseurs des Valeurs de la Révolution et de l’Empire, la médaille de Sainte Hélène réalise le lien direct entre cette période (1792-1815) et l’actuelle. Elle indique même l’acceptation dans son entier de l’héritage révolutionnaire et impérial.
Enfin, cette médaille commémorative française dépasse ces buts car elle est le moyen de régler quasi définitivement la succession de Napoléon 1er comme il l’a rédigée dans son testament à Longwood. S’il est impossible de prendre dans le budget de l’État pour verser des pensions aux plus nécessiteux, au moins chacun aura reçu le témoignage de l’admiration et de l’estime de la Nation.
Ainsi, Napoléon III tente de se faire reconnaître comme l’héritier du régime impérial de son oncle, tant à l’étranger qu’en France où il souhaite enraciner un peu plus son pouvoir. Les médailles suivantes (Italie, Chine, Mexique) seront l’occasion de renouveler l’exercice.
Dans son édition du 13 août 1857, le Moniteur Universel informe ses lecteurs de la « volonté de l’Empereur d’honorer par une distinction spéciale les militaires qui ont combattu sous les drapeaux de la France durant les grandes guerres de 1792 à 1815 ».
La médaille commémorative française la plus célèbre est née. Elle s’adresse à tous les anciens militaires des armées de terre et de mer françaises sans distinctions de grade ou de nationalité. Sa légende est simple : à l’avers l’effigie de Napoléon 1er avec le texte « campagnes de 1792 à 1815 » ; au revers le texte « A ses compagnons de gloire sa dernière pensée, 5 mai 1821 ». Elle sera baptisée Médaille de Sainte Hélène le 27 août suivant.
Pour frapper cette médaille et les modèles en réductions, le graveur général des monnaies M. Barré a reçu l’exclusivité de la commande le 19 août. Il est formellement interdit de porter une autre médaille que celle fournit par lui et remise officiellement. De même la décoration se portera toujours suspendue avec son ruban vert et rouge.
La presse se fait l’écho de la création de cette distinction. Jusqu’en Italie où selon l’Indépendant de Turin les premières estimations du nombre de survivants allant de 100 000 à 250 000 hommes seraient à revoir et à multiplier par cinq. Quel que soit leur nombre, cela reste une belle preuve de longévité pour des personnes ayant connu tant d’occasion de perdre la vie.
Très tôt, les premières distributions de la médaille sont organisées.
Le 15 août 1857, Napoléon III remet à son oncle son Altesse Impériale le Prince Jérôme Napoléon sa décoration en or, ainsi qu’à plusieurs maréchaux, généraux de division et de brigade, amiraux, vice-amiraux et contre-amiraux dont entre autres le maréchal comte Vaillant ministre de la Guerre, le maréchal Pélisser duc de Malakoff, le maréchal Magnan (dont la médaille est exposée de nos jours au musée de l’armée à l’Hôtel des Invalides), l’amiral Hamelin ministre de la marine, le maréchal Perseval-Deschènes, le duc de Plaisance Grand Chancelier de la Légion d’Honneur, le Comte d’Ornano gouverneur des Invalides…
Les 4 Grands Chanceliers de la Légion d’Honneur en exercice pendant la période d’attribution de la médaille de Sainte-Hélène :
• 24/3/1853 : Général Anne Charles Lebrun, Duc de Plaisance
• 20/7/1859 : Maréchal Aimable Jean Jacques Pelissier, Duc de Malakoff
• 21/11/1860 : Amiral Ferdinand Alphonse Hamelin
• 27/1/1864 : Général Comte de Flahaut de la Billarderie
Les anciens soldats doivent se présenter avec leurs justificatifs directement à la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur. On les y recevra tous les jours de midi à trois heures – sauf le samedi – à compter du 27 août.
L’annonce a du succès. On se « bouscule » pour être reçus au Palais de la Légion d’Honneur. Les services et les bureaux sont débordés, à tel point qu’il faut d’urgence revoir les conditions de remise de la décoration !
Le 29 août la solution est trouvée : à compter du 1er septembre 1857 seuls les anciens militaires dont le nom commence par la lettre A sont autorisés à se présenter !
Pour les autres, il conviendra de se renseigner en lisant l’affiche placardée à la porte du Palais. Il y sera précisé le jour de remise des médailles pour les lettres suivantes !
A partir du 5 octobre 1857, les « vieux débris » ne seront plus admis que le lundi et le mardi.
Enfin, la Grande Chancellerie de la Légion d’Honneur annonce que la distribution de la médaille de Sainte Hélène dans ses bureaux prendra fin officiellement le 31 octobre 1857 pour les anciens militaires du département de la Seine.
Par la suite, des remises auront lieu mais elles seront organisées dans les mairies. On verra des soldats venir chercher leur médaille jusqu’en 1864. On continuera même à rechercher d’éventuels récipiendaires jusqu’en 1870.
Ailleurs, la distribution de la Médaille de Sainte Hélène est l’occasion de réunir tout un village, un bourg autour du souvenir d’un passé glorieux. Et l’émotion le dispute parfois à la solennité de l’instant pour peu que le maire fut un soldat décoré à Sébastopol et épinglât à la boutonnière de son père, ancien d’Austerlitz, de Wagram ou de Russie, la désormais prestigieuse distinction.
Les préfets veulent aussi marquer ces moments en les organisant . Tel celui de Metz qui décide que tous les médaillés des cantons du chef lieu viendront recevoir leur médaille dans les salons de l’Hôtel de Ville.
Alors à Metz, on met tout l’apparat qu’il convient pour un événement aussi important. Les services municipaux décorent les salles où auront lieu la distribution avec des faisceaux de drapeaux et dans le fond le buste de l’Empereur (Il présidera donc la cérémonie).
Le 18 avril 1858 ce sont 484 anciens soldats accompagnés des maires de leur commune qui attendent de recevoir la médaille devant l’estrade réservée aux autorités civiles et militaires et la musique du bataillon des sapeurs-pompiers.
A treize heures les cérémonies débutent. On rappelle le décret du 12 août 1857 , celui du 26 février 1858 (il porte sur la discipline des médaillés !), le maire puis le préfet prennent la parole et enfin, les récipiendaires vont recevoir leur insigne le tout sous les cris de « Vive l’Empereur !, Vive Napoléon 1er !, Vive Napoléon III ! ».
Ainsi, partout en France en 1857 et 1858 on aura rappeler le vœux de Napoléon 1er réalisé par Napoléon III établissant un lien direct entre la Révolution, le premier et le second Empire.
Toutefois, tous ces anciens soldats n’ont pas ou plus leurs papiers militaires. Ils ne peuvent donc pas justifier de leur droit à la médaille. Certains d’entre eux les ont perdus, d’autres les ont donnés afin de recevoir des subsides de la part des bureaux de bienfaisance des mairies, d’autres ne savent plus où ils les ont rangés, c’est qu’en quarante ans il s’en est passé des événements ! Et ils sont nombreux en France dans ce cas.
Une issue existe, dernière voie pour obtenir le salut : le ministère de la guerre.
Et voilà qu’à leur tour les services du ministère sont débordés. Il faut publier des avis à l’attention des anciens militaires pour leur rappeler que seules les maires des communes sont habilités à s’adresser au ministre.
En fait la « règle » est ainsi instituée : le maire dresse les listes de récipiendaires qu’ils aient ou non de justificatif. Dans ce cas,il vérifie auprès du ministère de la guerre que les déclarations de services sont justes au regard des états fournis par l’administration.
Jamais les services ne pourront mener à bien la tâche qui leur incombe si chaque militaire rédige sa propre demande !
Puis vient le tour de l’Hôtel Impérial des Invalides. Lui aussi doit faire face à une recrudescence des demandes de la part des médaillés. Ces derniers espèrent bien que cette seule distinction leur ouvrira les portes de l’institution.
Là encore, c’est sans compter avec le règlement. Il est impératif de le respecter. Les admissions sont restreintes aux titulaires d’une pension militaire et sous conditions d’âge et d’infirmités. Or la plupart des anciens militaires qui ne sont pas aux Invalides ne bénéficient d’aucune autre aide – pour les plus démunis – que les bureaux de bienfaisances des mairies, certains perçoivent les 200 francs annuels du Leg Napoléon et beaucoup sont à la charge de leurs enfants.
Il faudra attendre le 5 mai 1869, pour qu’une pension spécifique de 250 francs soit créée et versée aux médaillés de Sainte Hélène.
Portraits des médaillés de Sainte Hélène
Napoléon III créera aussi des médailles pour la campagne d’Italie, du Mexique et de Chine ….